Ben Laden, l'homme qui valait 25 millions L'énorme récompense promise par le gouvernement a-t-elle aidé à coincer Ben Laden?

Publié le par serkas

Pendant quasiment ces dix dernières années, les États-Unis promettait une récompense de 25 millions de dollars [17 millions d'euros] pour toute information permettant la capture d'Oussama ben Laden. Maintenant qu'il a été débusqué et tué, à qui touchera – si quelqu'un le touche – l'argent de la récompense?

La réponse insatisfaisante, c'est que nous n'en savons rien. Il semblerait que personne n'ait vendu Ben Laden –le gouvernement adore s'en vanter quand c'est le cas, notamment pour encourager davantage de gens à dénoncer des criminels pour de l'argent. Mais pour le moment, le gouvernement n'a pas dit s'il avait payé ou non des informateurs.

Si Ben Laden était le premier sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI, en réalité, ce n'est pas le FBI qui offrait la récompense. C'était le Département d’État, via son programme spécial, Récompenses pour la Justice, qui proposait de l'argent en échange d'informations permettant la capture de terroristes. Pour Ben Laden, le département d’État promettait 25 millions, tandis que la Airline Pilots Association [syndicat américain des pilotes d'avion] et la Air Transport Association [association du transport aérien] ajoutaient 1 million de dollars chacune, pour toute personne qui mènerait le gouvernement à Ben Laden.

Les Récompenses pour la Justice ont déjà permis à de nombreuses reprises d'obtenir des informations cruciales en échange de fortes sommes d'argent. Jusqu'ici, le programme a versé plus de 100 millions de dollars à 60 informateurs, et a été au centre de la capture d'Odai et Qusai Hussein, les fils de Saddam; Ramzi Yousef, condamné pour les attentats de 1993 du World Trade Center; et d'autres.

Le Département d’État aime faire de la publicité autour de son programme et décrire les criminels qui ont été attrapés grâce à la sagacité publique. Mais sinon, motus et bouche cousue: quasiment tous les autres détails sur les Récompenses pour la Justice sont «classé-défense», et nous ne connaissons aucun des bénéficiaires des sommes distribuées.

Tanya Powell, une porte-parole du Département d’État a confirmé que la récompense n'avait plus cours, vu que Ben Laden était mort. Mais elle a déclaré aussi que le Département refusait de dire si quelqu'un avait reçu l'argent, en totalité ou en partie, ou si un tel versement était à l'étude pour certaines informations ayant permis le raid au Pakistan.

Comment obtenir une Récompense pour la Justice? Tout d'abord, une «agence d'enquête» américaine, comme le Département de la Défense, ou la CIA, doit désigner l'indicateur. (Les employés gouvernementaux, civils ou militaires, ne sont pas éligibles.) Ensuite, le Comité inter-agences des Récompenses examine la nomination et lui donne don aval. En dernier ressort, la décision de donner la récompense, et de fixer son montant total, revient au Secrétaire d’État. Aussi, même si le Département d’État a parlé d'une récompense de 25 millions de dollars pour Ben Laden, au final, la somme pourrait être encore plus importante.

Pour l'instant, le gouvernement Obama a précisé que les premières informations venaient de détenus à Guantanamo, qui avaient désigné l'homme de confiance le plus proche de Ben Laden. Le gouvernement a ensuite collecté pendant quatre ans des informations sur cet homme, pour retrouver finalement sa trace dans la résidence d'Abbottabad, au Pakistan, avec Ben Laden. Les prisonniers de Guantanamo n'ont aucune chance de toucher la récompense. La question qui reste en suspens, pour le moment, c'est de savoir si quelqu'un d'autre a fourni des informations cruciales qui auraient permis de retrouver Ben Laden.

Si le gouvernement a réellement payé la récompense –peut-être à un suspect habitant la demeure à 1 million de dollars, entourée d'un grillage électrique, sans ligne de téléphone ni poubelles – cet argent aura été très bien dépensé. Les Etats-Unis ont englouti des milliards dans la traque de Ben Laden. Par exemple, le New York Times précise aujourd'hui que les États-Unis versaient au Pakistan «plus d'un milliard de dollars par an pour des opérations de contre-terrorisme dont le principal objectif était de tuer ou de capturer Ben Laden». En comparaison, 25 millions de dollars,  c'est «peanuts».

Mais d'une manière générale, les économistes et les criminologues n'ont pas grand à se mettre sous la dent s'ils veulent déterminer la rentabilité de tels programmes, dollar par dollar. Comme Alexandra Natapoff, professeur à la Faculté de Droit de Loyola, le fait remarquer dans son livre Snitching [balancer], en termes de terrorisme, d'informateurs et de récompenses «les données sont tout simplement indisponibles».

Ce qui n'empêche pas le Département d’État de décrire les Récompenses pour la Justice comme «l'un des atouts les plus précieux du gouvernement américain dans sa lutte contre le terrorisme international». Et compte tenu du ramdam habituel qu'il fait autour de son programme et de ses succès, on peut au moins penser que, cette fois-ci, les États-Unis ont pincé le méchant comme au bon vieux temps. 

 

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